Projets éducatifs sur Second Life

L'école entre contenu explicite et enjeux commerciaux

Après une large couverture médiatique de l'utilisation politique du monde virtuel persistant qu'est Second Life, est venue la question de ses potentiels éducatifs. Il s'agit de savoir s'il peut devenir un monde pédagogique à part entière. Ce créneau semble de prime abord exclu par le caractère "adulte" de la simulation. Si SL est interdit au moins de 18 ans comment peut-on concevoir une utilisation pédagogique, non pas seulement au niveau de l'age des récepteurs – car beaucoup d'étudiant sont majeurs – mais avant tout sur le principe de fond qui régit cet espace ? C'est en effet un point de vue que l'on a pu retrouver lors du reportage du JT de France 2 du 16 juin 2007. Celui-ci relatait sous le titre : “le site virtuel Second Life propose aussi des images pornos“, la plainte faite par l'association Famille de France contre Linden Lab, créateur de la simulation. Cette association demande en effet que le site ne soit pas accessible aux mineurs, car il suffit pour l'instant d'entrer une date de naissance pour attester de sa majorité.
Mais ce monde persistant reste finalement sur la même ligne que le web avec des sites pornographiques qui certifient la majorité de l'utilisateur par un simple clic. Demeure la possibilité du référencement des sites spécifiques qui permet le contrôle parental. Il est tout à fait concevable que Linden Lab puisse appliquer ce contrôle, configuré à partir de l'application, d'autant plus que les zones "mature" y sont déjà spécifiées. Avant tout, le fait qu'Internet inclue du contenu interdit au mineur n'en a pas fait pour autant un support décrié et rejeté par les familles dans l'enjeu éducatif, bien au contraire. Le problème reste donc celui d'une communication d'envergure sur des actions pédagogiques concrètes dans Second Life. C'est l'une des conditions de l'acceptation de ce support par le grand public.


Or justement de nombreux projets ont été réalisés ou sont en réalisation dans ce sens. Dans le monde près de cent universités se sont déjà pliées à l'exercice dont, pour les plus prestigieuse Harvard, Stanford ou encore Berkeley. Actuellement en France seul l'Insead et l'Institut Ingémédia se sont implantés sur Second Life suivis de près par l'ENST Bretagne qui inaugurera son campus virtuel le 25 juin. Mais qu'en est-il de la valeur de l'outil pédagogique proposé par ces écoles quand Second Life reste avant tout un moyen de communication commercial ou politique ? N'est-ce pas plus un moyen de vendre une école privée ou une université, quand on sait que le coût de la création d'une île virtuelle équivaut celui d'une annonce publicitaire dans un magazine ? D'autant plus que Second Life confère l'image d'une école à la fois moderne et innovante pour le public visé, à savoir de jeunes étudiants.

C'est à cette frontière que nous pouvons démarquer les véritables politiques éducatives d'une simple recherche d'audience publicitaire, même si ces logiques ne sont pas forcement contradictoires. Or l'Insead, l'institut Ingémédia et l'ENST Bretagne se placent précisément dans le développement d'outils pédagogiques novateurs, visant à accroître l'interactivité entre enseignants et élèves. En effet l'un des buts recherchés est l'amélioration des échanges et le retournement de la linéarité des informations, notamment pour l'enseignement à distance. Cela permettrait par exemple à un étudiant en France de suivre une partie de ses cours dans une université étrangère à l'autre bout du monde. C'est ici des diplômes hybrides qui verrait le jours, ouvrant la possibilité à une véritable personnalisation des parcours. Second Life permettrait aussi de faire sortir l'école de son cadre en ouvrant la rencontre avec les entreprises – qui sont d'ailleurs déjà présente sur la "grille". La rencontre des acteurs du domaine ne serait plus limitée par la barrière de l'espace et du temps, incarnée par la nécessité des déplacements et le surbooking des agendas.

Second Life ouvre donc des portes pédagogiques en tant que moyen et outil éducatif mais aussi comme un objet en lui-même. En effet ce monde multi-utilisateur, qui permet l'émergence de nouvelles pratiques collaboratives, est un terrain de recherche sociale en expansion permanente qui demeure inexploré.

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